“The flavour is us” (La saveur, c’est nous)
Quatre questions à Steven Cohen
Les Halles de Schaerbeek, 17 janvier 2023, par Martín Zícari
Les Halles de Schaerbeek, 17 janvier 2023, par Martín Zícari
À l’approche de la très attendue première belge de Boudoir, de Steven Cohen, nous avons eu la chance de nous entretenir avec la légende sud-africaine sur son processus créatif et ses inspirations.
Jusqu’à présent, votre travail s’est concentré sur l’espace public et sur la surexposition du corps sur scène. Dans Boudoir, en revanche, vous avez choisi de placer la performance dans un espace intime et privé. Comment cette décision a-t-elle modifié le processus créatif, et la création de la pièce elle-même par rapport à vos travaux précédents ?
Au risque de passer pour un féministe un peu old school, le privé est politique. Ainsi, en entrant dans le Boudoir, vous ne quittez pas le monde, vous y faites entrer le monde en même temps que vous êtes le Boudoir lui-même… et l’art est là comme catalyseur d’une collision. Boudoir est une soupe bouillie à partir des os de mes œuvres et expériences antécédentes, mais elle est servie d’une manière totalement nouvelle. Je n’ai jamais combiné simultanément performance, installation, art visuel et vidéo dans une forme aussi concentrée.
De plus, je dois dire que je pense que l’espace privé est le nouvel espace public, surtout de nos jours avec des outils comme Zoom et les médias sociaux qui permettent le transport numérique d’étrangers dans notre espace personnel en tapant sur un clavier. Nous touchons plus de gens avec une présence numérique qu’avec une présence physique. Mais je suis un artiste de la vieille école qui croit que seules les rencontres physiques dans la vie réelle peuvent être véritablement orgasmiques. L’énergie de notre proximité physique, lorsque nous partageons l’espace, est le poivre dans la casserole… et la saveur, c’est nous.
Le mobilier et le corps sont en quelque sorte parallèles dans votre nouvelle pièce, non pas en tant qu’objets statiques mais en tant que sujets d’une transformation et d’une mutation constantes. Si la matérialité du mobilier est le fer (ou d’autres métaux), le bois, le tissu, etc., quelle est la matérialité du corps sur scène ? Et quelles transformations subissent ces “matériaux corporels” tout au long de la nouvelle pièce ?
Tous les objets du Boudoir sont imprégnés de l’énergie de leurs expériences. Je vois mon corps comme un objet parmi d’autres, bien qu’il vibre à une fréquence plus élevée que le mobilier, et qu’il soit capable de parler avec plus d’éloquence le langage secret de l’âme d’être vivant que les humains partagent. L’immatérialité du corps est son pouvoir, l’espace commençant juste à l’extérieur de ma chair qui irradie l’énergie et définit la présence. Boudoir fonctionne comme une suture qui scelle et comme un spéculum qui révèle… tous deux au nom de la guérison. C’est un travail qui s’intéresse à l’esthétique des années 1800, aux événements des années 1900 et à l’éthique du XXIe siècle – dans une tentative de forger la possibilité d’un avenir meilleur à partir de l’obscurité du passé.
Je suis curieux du format de l’exposition en tant qu’installation/performance et du fait que certains des coproducteurs sont des galeries ou des espaces d’exposition. Imaginez-vous une version dérivée de Boudoir qui pourrait exister sans la scène et/ou sans l’interprète ?
Je peux très bien imaginer Boudoir exister sans la scène, et, oui, même sans moi qui joue à l’intérieur. Le seul élément essentiel de l’œuvre en dehors d’elle-même, c’est vous, le participant-observateur qui ressuscitez et activez l’art. Boudoir n’existe que si vous le vivez ou que si vous en gardez un souvenir.
Pour finir, parlez-nous d’un artiste émergent qui vous a inspiré/influencé dans la création de Boudoir.
Une grande inspiration dans Boudoir a été la façon d’être inoubliable d’un jeune créateur que j’ai rencontré en donnant des ateliers d’art-performance aux étudiants de l’école du Théâtre National de Bretagne. Il s’appelle Maxime Thébault et vous apprendrez à le connaître car il est une étoile montante de la scène et du cinéma en France. Boudoir s’intéressait au présent et au passé jusqu’à ce que Maxime me donne, sans le savoir, la clé du futur. Le temps est à la fois la peinture et la toile de Boudoir et le partage de l’espace est un privilège que le covid nous a appris à ne pas tenir pour acquis. Maxime m’a appris le temps … à croire que l’art est en sécurité entre les mains de la prochaine génération.
Propos recueillis par Martín Zícari.
Conception et performance : Steven Cohen
Production : Cie Steven Cohen, Théâtre Vidy-Lausanne
Coproduction : Théâtre National de Bretagne, Rennes – Les Spectacles vivants, Centre Pompidou – Festival d’Automne à Paris – TAP Théâtre et Auditorium de Poitiers – Les Halles de Schaerbeek – Mousonturm Frankfurt – BIT Teatergarasjen
Avec le soutien de la DRAC Nouvelle-Aquitaine, de la Fondation d’entreprise Hermès et du Collectif FAIR-E/CCN de Rennes et de Bretagne
COMPAGNIE STEVEN COHEN
24 rue Succursale | 33000 Bordeaux | France
Samuel Mateu
Administrateur de production | +33(0)6.27.72.32.88
production[@]steven-cohen.com
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