DEFACE
Cette idée de me démaquiller avec du ruban adhésif est née il y a dix ans lors d’un dîner élégant dans un musée, avec un regard accusateur suivi d’un reproche de l’autre côté de la table : « Il y a des paillettes dans ma soupe ! » (“There’s Glitter in my Soup !“)
Je venais de finir de jouer. J’étais embarrassé. Dans mon sac, j’avais un rouleau de ruban adhésif, et je l’ai utilisé sur place pour enlever le maquillage pailleté de mon visage. C’était efficace.Je me maquille pendant des heures avec une dose pathologique de patience et une pléthore de colle. Le fait de me démaquiller me donne l’impression d’être tiré, giflé, épilé et déshabillé. Après ce rituel, je me sens doucement écorché et au-delà de la fragilité … Il est étrange de faire une œuvre en la défaisant.
Il y a beaucoup d’inconfort et parfois de douleur dans chacun de ces autoportraits, mais il y a aussi une sérénité consolante née de l’art vécu et de la performance accomplie… De la crème de camouflage, de la poudre, des paillettes, du rouge à lèvres, de la sueur, de l’ADN, quelques cellules de peau… tout un savoir-faire et une patience y sont réunis – cinquante ans et trois heures de savoir-faire.
La destruction de l’œuvre d’art est en soi la création d’une nouvelle. Le faire est dans le défaire… et vice versa. Ce n’est pas un masque, c’est une interface.
Steven Cohen