“Boudoir” Steven Cohen
Culturieuse, 4 novembre 2022
Culturieuse, 4 novembre 2022
À la fin, il a fallu un peu de temps. Il a fallu s’extirper de son univers pour réaliser que c’était fini et l’applaudir. L’émotion était palpable, intense.
Pour commencer, il y a la projection. Nous le voyons sur écran, en son personnage, toujours grimé, maquillé, costumé. Il ne parle pas, ses gestes suffisent. Lentement, avec autant de douceur que de douleur, il se meut précautionneusement, les pieds emprisonnés dans d’invraisemblables chaussures-sculptures sur lesquelles son équilibre est précaire. Un murmure s’élève, implorant le pardon. Au milieu d’animaux empaillés, entre les tombes juives ou encore à l’emplacement du Konzenstrationlager Natzweiler, nous sommes pénétrés par sa compassion, une infinie compassion pour les carnages accomplis. Il va jusqu’à chercher la purification par le feu. Et par sa mémoire, c’est la nôtre qu’il enclenche.
Ensuite, un porte s’ouvre et nous entrons. Voici le boudoir, un lieu intime, d’évocation féminine. Un endroit à son image, tel un sanctuaire, une parcelle de lui-même. Pendant quelques instants, nous le visitons, nous imprégnant de son atmosphère. Un cabinet de curiosités d’un raffinement extrême, un mélange d’élégance et de kitsch queer. Pourtant, des détails pernicieux surgissent, des incongruités apparaissent. L’esthétique du lieu est mêlée de cruauté. Ne nous leurrons pas. Les peaux d’animaux sur lesquelles nous marchons sont des cadavres.
Puis la lumière s’éteint et il apparait. Ethéré, vêtu de lumière, un être féerique ou même christique. Il se déplace, échassier flamboyant, s’arrêtant pour vous regarder dans les yeux. Ses mouvements, contraints par la recherche d’équilibre, ne perdent jamais leur grâce. Se hissant sur un marchepied, le voilà auréolé, couvrant l’espace de son regard. La bande sonore diffuse des extraits musicaux, un poème splendide. Il déambulera ainsi, chaussé du monde et aussi diaphane que l’étoffe dont il est vêtu. Pour enfin disparaître pieds nus.
Plus qu’un spectacle, ce fut une cérémonie, une expérience presque ésotérique, bouleversante, d’une terrible beauté. Le merveilleux Steven Cohen fait ici acte et cadeau de miséricorde.
Conception et performance : Steven Cohen
Production : Cie Steven Cohen, Théâtre Vidy-Lausanne
Coproduction : Théâtre National de Bretagne, Rennes – Les Spectacles vivants, Centre Pompidou – Festival d’Automne à Paris – TAP Théâtre et Auditorium de Poitiers – Les Halles de Schaerbeek – Mousonturm Frankfurt – BIT Teatergarasjen
Avec le soutien de la DRAC Nouvelle-Aquitaine, de la Fondation d’entreprise Hermès et du Collectif FAIR-E/CCN de Rennes et de Bretagne
COMPAGNIE STEVEN COHEN
24 rue Succursale | 33000 Bordeaux | France
Samuel Mateu
Administrateur de production | +33(0)6.27.72.32.88
production[@]steven-cohen.com
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