HEIL HORTEN
Film : public
Montage : Baptiste Evrard & Steven Cohen
color video / 16:9 – HD Video
6 min 36 sec

Heidi Horten Collection, Vienna, AU, 2023.

” Il est clair que le persécuteur public de Vienne a trop honte de donner suite aux accusations portées contre moi par le musée Heidi Horten.

L’acte d’accusation m’accuse d’avoir endommagé un sol – le sol rose précieux de l’atrium du Musée Horten – et d’avoir étalé du sang sur le socle d’une sculpture (mon sang, leur sculpture, volée).

Mon action au musée a été de surpasser et d’être encore plus vulgaire qu’Heidi Horten (grosse tâche), dont les bijoux (une petite partie) ont récemment été vendus lors d’une vente aux enchères Christies très décriée et qui ont rapporté 200 millions d’euros… Le plus gros montant jamais atteint pour un musée. Une collection personnelle (créée avec de l’argent juif volé dans des entreprises aryanisées datant des années 1930 par son mari Helmut Horten). Christies a ignoré sa propre politique consistant à ne pas colporter le butin nazi et a empoché 30 millions d’euros de commission.

Par un vendredi midi ensoleillé, je suis entré sans autorisation dans le musée Heidi Horten et j’ai tenté de briser mes répliques géantes de diamants sur le sol dans un effet symbolique rappelant Kristalnacht*. À ma grande surprise et avec grand plaisir, mes diamants ne se sont pas brisés, mais le sol, si. Que ces fondations immorales du musée Horten soient entachées. Dans un geste improvisé je me suis ensuite coupé le bras à l’aide d’un fragment qui a ébréché mon diamant, mais avant de pouvoir répandre l’amour, je veux dire le sang, autour du musée j’ai été transporté par deux agents de sécurité très mal habillés (vraiment le Horten Museum, ce n’est pas beau – un peu de classe quand même).

Jeté dehors, j’ai mis du sang juif sur le socle d’une sculpture pour révéler sa provenance. Encore une fois, j’ai été grossièrement perturbé dans ma création artistique. Et voilà que les policiers sont arrivés en masse… pleins d’enthousiasme pour leur atelier de performance… qui a duré tout le reste de la journée au commissariat. J’ai subi un examen médical, une évaluation psychologique, j’ai été interrogé, inculpé et mes empreintes digitales ont été prises.

J’ai été très ennuyé que la police ait confisqué mes diamants (en ces temps honorés de traditions nationale-socialiste) et qu’elle ait également saisi et refusé de restituer mon couvre-chef HEIL HORTEN.

Je n’ai rien détruit dans le musée qui ne m’appartenait. Ok, il y a eu un tout petit dommage collatéral, entièrement presque accidentel. Je refuse de payer une amende s’ils osent aller jusqu’au bout et insistent pour qu’il y en ait une.
Je n’ai pas peur des procédures administratives punitives, mais plutôt de ce que cautionnent les auteurs du génocide et de l’injustice. Aucun juif ne donnera plus d’argent aux voleurs financés par les nazis. J’ai l’intention de faire preuve d’une inventivité agressive en interrogeant une histoire dont on ne parle pas à Vienne, foyer du déni et de la dissociation de l’Holocauste.

Un artiste de performance qui n’a pas son atelier dans les tranchées ne mérite pas de se donner ce nom. Je n’ai pas peur de rester seul et intrépide et de les dénoncer tous.

Dommage que je n’ai pas eu le temps de mettre mes chaussures, mais là encore le Juif errant est toujours représenté pieds nus.

J’espère avoir laissé une impression durable dans ce palais éhonté et égoïste qui témoigne de crimes contre l’humanité impunis. Je vais envoyer au Musée Horten une grosse facture pour la performance et pour l’installation que je leur ai fournie. Heidi Horten a laissé 3 milliards d’euros dans sa succession et un nom de famille terni – je prends une partie de la première et je contribue à une partie de la seconde.

Plus de bijoux d’Horten seront à vendre fin 2023 (encore Christies) et plus de moi à nouveau dans son palais doré.

Je suis un récidiviste dévoué et généreux avec ma haine.”

Steven Cohen

* Kristallnacht, ou la ”Nuit de Cristal”, est le nom donné au violent programme antisémite des 9 et 10 novembre 1938. Ce nom fait référence aux éclats de verres des vitrines de magasins juifs qui ont été brisées.

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